Étiquetons l’étiquette

par Nicolas Rio

Cela faisait longtemps que nous ne nous étions pas adonnés à de petites digressions !
Aujourd’hui, j’ai envie de vous parler de la façon dont nous vivons le règlement dans notre dojo. Le Reishiki, ou l’étiquette, est une succession de règles qui peuvent pour certaines paraître désuètes, mais qui pourtant ont leur importance. Ce petit article vient compléter les pages déjà présentes sur notre site, aider à leur mise en application et donner du sens pratique.

Ça vient d’où ?

Issues de la culture japonaise où les apparences sont reines, il me semble important de s’approprier ces règles. Ainsi, chacun doit y donner un sens. Il faut bien comprendre que ces formules de politesse sont indispensables dans la société nipponne.

(Crédit photo : Wikipedia Commons, public domains)

(photo : Wikipedia Commons, public domains)

En effet, le citoyen s’insère dans un système hiérarchisé. La place des interlocuteurs l’un envers l’autre et dans la société est signifiée par les niveaux de langage et de politesse qu’ils utilisent. C’est une vision qui peu sembler très dure mais qui permet à chacun de trouver son rôle dans l’immense ruche des individus. La conséquence première est que le tout passe avant le supérieur, qui passe avant ses pairs, qui passe avant le soi. Pour rendre les choses supportables, ils ont mis en place des structures mouvantes où l’employé de ménage, en bas de l’échelle de l’entreprise, est considéré comme un roi lorsqu’il entre comme client dans un magasin.

Dans notre société très loin de ces considérations, la conservation de ces quelques règles permet, à mon sens, de poser le « décor » de la pratique. Quand j’entre dans un dojo, j’accepte de me plier à un autre mode de communication qui permet de me sortir de ma routine quotidienne. Je sais qu’elles ne sont valables que pour 2h et qu’elles ne changent en rien ce que je peux ressentir envers ceux qui m’entourent, du moins, pas de manière directe.

Maintenant que le cadre est posé, rentrons un peu dans le détail.

Le Dojo, qu’est-ce que c’est ?

Une salle de sport… ? pas vraiment. Littéralement, c’est le lieu où l’on pratique la voie. Ainsi, il est important d’en connaitre les codes pour mieux appréhender la voie que l’on cherche à suivre.

Commençons par le kamiza. Celui-ci est le mur le plus important de la salle. C’est une zone sacrée sur laquelle se trouve le portrait du fondateur.

Théoriquement, les élèves sont organisés selon leur grade, les débutants se trouvant toujours à la gauche des confirmés. On retrouve ce système lors des passages de grade.

La zone de pratique, et plus généralement le dojo, doit rester propre. Au japon, tous les cours se terminent par un nettoyage systématique du tatami par l’ensemble des pratiquants.

La relation Kohaï – Sempaï

(photo : Laetitia Derrien Bouard)

Cette liaison méconnue en occident est pourtant essentielle dans la vie d’un club. Si nous simplifions les choses, le sempaï est un élève référent, un confirmé, et le kohaï correspond à un débutant. Par conséquent, nous sommes tous le kohaï et le sempaï d’au moins un membre du club (sauf l’élève le plus ancien et le plus récent). Cette relation entre élèves permet un accompagnement plus fin et plus humain que celui effectué par l’enseignant qui doit veiller sur l’intégralité du groupe. C’est l’esprit d’entraide que nous cherchons tous à mettre en place.

Salutation…

Le salut est LE geste asiatique pour tout dire. Il est en réalité très codifié, mais il est inutile pour nous d’en connaitre tous les rouages. Nous avons trois saluts sur le tapis. Pour faire simple :

  • Le salut en seiza (à genoux) : envers un enseignant, un sempaï, un kohaï, vers le kamiza
  • Le salut debout : sempaï ou kohaï, vers le kamiza (à la montée/descente du tatami)
  • Le salut de la tête : sempaï ou kohaï pendant la pratique

A Courtisols, en plus des saluts traditionnels en début et fin de séance, et entre nous après la pratique, nous avons pris l’habitude de saluer l’enseignant individuellement. Il s’agit de la volonté de l’enseignant de saluer chacun de ses élèves pour les remercier d’avoir assisté à son cours. Ça n’existe pas dans les autres dojos que j’ai pu côtoyer. Il est parfois bien d’avoir ses spécificités.

Autre particularité de notre dojo, nous n’avons pas pris l’habitude de nous ranger par grade lors du salut (cf. plus haut Le dojo, qu’est-ce c’est ?). Cela peut parfois perturber nos adhérents qui vont pratiquer dans d’autres clubs, mais aussi les pratiquants invités que nous recevons.

(photo : Coralie Frisquet Minet)

Que dit t’on ?

  • En début de cours : Onegai shimasu (petite précision, le « u » prononcé « ou » à la fin du mot est quasi silencieux). Cela exprime une demande, souvent traduite par « s’il vous plait ». Il est censé permettre de remercier le professeur pour l’enseignement que l’on s’apprête à recevoir. C’est pour cela que certains enseignants en stage attendent que ce soit les élèves qui le prononce avant lui. Plutôt suranné, je l’utilise personnellement dans le sens : « honoré de travailler avec vous tous (l’enseignant en premier lieu) ». Je l’utilise aussi quand j’invite un partenaire à pratiquer durant une séance. Souvent un salut suffit, mais pendant les stages, ou les pratiquants ne se connaissent pas, ce mot, avec un sourire, est souvent rassurant.
  • A la fin de cours : Domo Arigato Gozaimashita. C’est la version la plus formelle du merci japonais. Et oui, plusieurs niveaux de langue existent. Par exemple pour ce mot là :
    Domo
    Arigato
    Domo Arigato
    Domo Arigato Gozaimasu (pour quelque chose en cours)
    et Domo Arigato Gozaimashita (pour quelque chose qui vient de finir)

Pour la même raison que précédemment, j’utilise aussi cette expression pour remercier mon partenaire après la pratique. Encore une fois, un salut suffit souvent, mais cela montre une gratitude appuyée.

  • Pendant le cours… on ne dit rien ! C’est un peu difficile pour nous, mais c’est avant tout une marque d’humilité. En effet, pendant un cours, notre premier réflexe est de guider le partenaire par des conseils, dans le but premier de l’aider. Malheureusement, on oublie souvent que l’enseignant fait très attention aux consignes qu’il donne. Celles-ci doivent être limitées, ciblées et adaptées non seulement au pratiquant mais aussi à la structure choisie pour le cours. Ainsi, le plus souvent, on se retrouve à donner des informations qui ne sont simplement pas adaptées.

Crédit photo : David Duda

(photo : David Duda)

Ne soyons pas obtus, dans nos contrées, il est illusoire, voir contre-productif, d’espérer le silence complet dans une séance. Mais restons vigilants à ce que nos propos ne portent que sur des éléments favorisant une ambiance chaleureuse, et non sur des conseils de réalisation technique. Il est souvent plus efficace de rassurer son partenaire et de lui faire comprendre ce qui ne va pas avec une pratique de uke fine et précise. Je ne parle évidemment pas de blocage, mais plutôt d’une posture vigilante et attaquante ne laissant pas de place au « laisser faire pour le plaisir ».

Durant les stages, cette posture réellement silencieuse permet de gérer plus facilement des partenaires désagréables. Le silence, un grand sourire et un travail d’uke percutant restent des armes très efficaces face à des partenaires parfois trop prétentieux.

Ah oui, on allait oublier un mot bizarre : mais que dit l’enseignant après nous avoir corrigé pendant la séance ?
En réalité, quand l’enseignant corrige un élève, il dit souvent Dozo. Cela signifie « s’il vous plait, à vous de pratiquer. ». Ce à quoi vous pouvez répondre un merci. Vous savez : Domo (ou Domo Arigato durant un stage).

Pour conclure

De prime abord, l’ensemble de ces règles peut paraître complexes à appréhender, voire rebuter. Mais elles permettent avant tout de fixer un cadre commun à la pratique, et de rappeler le respect que nous devons à chacun des pratiquants ainsi qu’à nous-même. Et puis, elles s’acquièrent progressivement au fil du temps, les débutants ne seront jamais jugés sur leur façon de saluer ou de prononcer les formules ! Au contraire, aux sempaï de les aider sur cette voie…

Bien sûr, vous avez le droit d’avoir un avis différent de celui présenté ici. N’hésitez pas à nous faire partager le vôtre dans les commentaires de l’article ou sur Facebook pour que le débat puisse avoir lieu.

Il ne me reste plus qu’à vous dire Domo Arigato Gozaimasu !!!!

2 réflexions sur « Étiquetons l’étiquette »

  1. Très bel article.
    Nous sommes un peu dans un autre monde quand nous rentrons dans notre dojo. Peut être que ces rituels peuvent paraître désuets, mais tellement importants pour la place des uns envers les autres. Sans s’en rendre compte tout cela devient très vite naturel.

  2. Christophe Zeller 17 mars 2023 — 7 h 49 min

    Merci Nico. Ton article va certainement rassurer certains observateurs dubitatifs.
    Bien qu’enveloppé dans sa définition pacifiste et ses mouvements tout en rondeur, l’aïkido est un art de combat (on ne joue pas au ballon). Les très nombreux saluts montrent que le respect dû à l’autre n’est pas négociable et la rancune n’a aucune place dans le dojo. Les arts martiaux partagent ces gestes de respect avec tous les sports de combat, boxe comprise.
    Dans toute activité compétitive, l’attitude fair-play du gagnant ne réchauffe-t-elle pas le cœur du public ? N’est-elle pas saluée par ses applaudissements au même titre que les performances des 2 équipes ?

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